Histoire du Fort de la Justice

 

Le fort de la Justice est construit à partir de 1826 sur des terrains vendus par la Ville et les hospices civils à l’endroit où se déroulaient auparavant les exécutions capitales, d’où le nom du site, également dénommé « les fourches ».
Cette construction s’inscrit dans un projet plus vaste de fortification de Belfort mené sous la direction du lieutenant-général du Génie François-Nicolas-Benoît HAXO, inspecteur général des fortifications.

Par l’ensemble de ses travaux, le général HAXO modifie profondément la défense de la forteresse royale conçue par Vauban au XVIIe : construction d’un cavalier casematé à l’est en remplacement du mur dit « du donjon » (1819-1826 – actuel restaurant de la Citadelle), construction d’une caserne à l’épreuve côté ville (1826, en remplacement de celle de Vauban qui menace ruine, actuel Musée d’histoire), réalisation d’une enceinte extérieure continue depuis le château jusqu’à la tour des Bourgeois, réalisation d’une enceinte intermédiaire, entaille de l’escarpement du château de la tour des Bourgeois au Fourneau.
La citadelle ainsi fortifiée joue un rôle de front d’attaque et de réduit défensif.
La liaison fortifiée, sur le Vallon, entre le Fort de la Miotte et le Fort de la Justice complète le dispositif en créant la fameux camp retranché pouvant abrité plusieurs milliers d’hommes.

Conception du Fort

Le fort de la Justice a la forme d’un triangle allongé dont le plus grand côté suit la crête des rochers de la colline et constitue la face nord-ouest de l’ouvrage ; les deux autres côtés (faces est et sud-ouest) forment deux fronts bastionnés occupés par 3 bastions (est, sud et ouest). Le fossé principal est presque entièrement taillé dans le roc. Un cavalier s’élève derrière le bastion est ; un autre sous lequel se trouve le magasin à poudre du fort occupe le bastion sud ; ces cavaliers, ainsi que la courtine qui les réunit, dominent ces deux bastions et leur servent de retranchement. Le fort peut recevoir une vingtaine de pièces d’artillerie.

Une caserne voûtée (cotée 42) en contrebas du terre-plein des cavaliers se trouve en arrière du front sud ouest. Elle est construire en calcaire extrait sur place. Elle peut abriter près de 300 hommes et 14 officiers. Elle est occupée dès 1831. Le coût élevé de cette construction (2 fois plus que le devis initial) remet un temps en question la construction du fort de la Miotte qui sera finalement réalisé. Le fort de la Miotte est également un triangle bastionné qui inclut la vieille Tour de la Miotte. Il compte un magasin à poudre, des logements pour 100 hommes, 10 pièces d’artillerie.

Le camp retranché est fermé à partir de 1840, après la mort d’Haxo (décédé en 1838), par un front bastionné qui franchit la route de Strasbourg. En 1842, le camp retranché est achevé.

La caserne de la Justice subit les dommages du siège en 1870-1871 : la couverture du bâtiment est totalement détruite au lendemain du siège. Elle est reconstruite en 1874-1875.

Le Fort de la Justice au XXe siècle

Dans les années 1930, un relevé du Génie indique que la caserne 42 peut abriter 200 soldats et 11 officiers. Elle est complétée par un hangar à matériel et à un hangar à projectiles à l’ouest. Un bâtiment isolé sert de prison.

Le fort de la Justice est le théâtre de combats meurtriers en juin 1940 lors de l’avancée des troupes allemandes. Non protégé des bombardements, il est le secteur de Belfort qui compte le plus de morts : 37 tués, 38 blessés. Le site est fortement endommagé.

Dans les années 1950, la caserne du fort de la Justice sert d’abri de fortune à de nombreux travailleurs nord-africains qui y vivent dans des conditions déplorables malgré des travaux entrepris par la Ville de Belfort. Le bâtiment est dépourvu de fenêtres, portes, sanitaires… Cette occupation avait été autorisée par l’Autorité militaire dans une convention avec la Ville le 9 février 1954. Un bail de location avait été signé le 1er décembre 1955.

En 1956, la plateforme supérieure du fort (voûtes recouvertes d’une terrasse de terre) présente de nombreux désordres liés aux infiltrations d’eau qui atteignent le premier étage du bâtiment. Il est proposé de réutiliser la charpente et les tuiles d’un bâtiment à démolir à la caserne Gérard. Ces travaux sont motivés non seulement pour la conservation du bâtiment mais surtout dans la perspective de son aménagement pour reloger des travailleurs espagnols et nord-africains qui doivent être évacués de la caserne Gérard. Les pièces de charpentes ne seront finalement pas reprises, car trop abîmées par la démolition. Seules les tuiles ont été récupérées. Les travaux de couverture sont réceptionnés en mars 1958.

En janvier 1973, des travailleurs algériens et des indigents y séjournent toujours : 13 chambres sont réparties au premier étage, 14 chambres au deuxième étage. Les pièces du rez-de-chaussée sont alors inoccupées. La vétusté des locaux et les coûts importants que nécessiterait la rénovation de la caserne de la Justice amènent la municipalité à transférer les résidents à la Lunette 18 où un foyer avait été spécialement aménagé.